Mission suicide

La majorité des voyants avait viré au rouge. Les lumières clignotaient sur son visage crispé lui donnant une mine impressionnante. Quelques perles de sueur naissaient sur son front sans perturber sa concentration intense.
Le vaisseau faisait des embardées terribles depuis qu'il avait été touché. Et pourtant, le Major le poussait dans ses retranchements. Il évitait les bâtiments impressionnants, virevoltant, accélérant, tremblant, au milieu de ce quartier désaffecté de Coruscant qui avait particulièrement souffert lors du sac par les siths. La carlingue mugissait par moment sous les contraintes. Par chance, il avait désactivé l'organe vocal de son droïde qui l'aurait rendu fou de conseil et stress en tout genre...mais l'heure n'était plus aux conseils, plutôt aux décisions...

L'Ouragan vivait ses dernières minutes, Raynes en avait conscience. Pourvu qu'il atteigne son objectif avant que ses poursuivants ne l'abattent définitivement.

Quelques jours plus tôt.
Une telle occasion ne se présenterait plus. Le moment attendu était arrivé plus tôt que prévu. Il fallait agir vite, et planifier l'opération.
Raynes savait que son avenir se jouait. Mais il devait faire un choix, renoncer à tout ce qu'il connaissait. Une nouvelle vie s'ouvrirait à lui, celle à laquelle il aspirait depuis longtemps, sans vouloir se l'avouer. Il espérait ne pas devoir l'affronter seul mais le destin en avait décidé autrement. Et il l'assumerait, comme il l'avait toujours assumé.
Il étudia les plans, prépara son matériel. Les heures avancaient vite, le temps grignotait ses chances de réussite et jouait contre lui...
Avant de commencer l'opération, il congédia son fidèle équipage, hormi son droïde, pour une permission qui ne s'arrêterait sûrement jamais... mais ils ne le savaient pas. Il préférait être seul. Comme on dit, le linge sale se lave en famille, et ce n'est pas tous les jours que Raynes pouvait prendre soin de sa famille.
La place a prendre était particulièrement défendue. Mais comme souvent dans les opérations d'extraction, ce n'était pas d'entrer le plus difficile, mais de sortir. Le "paquet" représentait tellement aux yeux de ses geôliers qu'ils ne le laisseraient pas échapper facilement. Raynes le savait. Certains y voyaient l'avenir d'autres une fin... Le major s'en foutait, il tiendrait sa promesse coûte que coûte.
Ce serment qu'il avait fait au seuil de la mort, pour lui même mais surtout pour sa mère. Sans même s'en apercevoir, Raynes contemplait quelques images d'une autre époque. Il jura entre les dents, ce n'était pas le moment de larmoyer sur les souvenirs... Il allait interrompre le défilement quand il la vit, son doigt suspendu au dessus du bouton. Il resta quelques longues secondes à sonder ces images avec lesquelles affluaient des sensations depuis longtemps oubliées. Il avait cru les revivre un moment, Zeph était parvenue à lui faire croire, mais il avait tout gaché. Il n'était tout simplement pas près à les revivre. Il sortit finalement de sa torpeur, à la fois agacé et heureux, un cocktail étrange qu'il savourait depuis longtemps...

L'holoenregistreur s'arrêta. Raynes visionna l'enregistrement, le quatrième. Il secoua la tête. Non, il ne prendrait pas le moindre risque, ni pour lui, ni pour elle, ni pour les autres... D'un geste bref, il l'effaça, haussa les épaules, tant pis. Il se renfrogna, il avait encore du pain sur la planche.

Quelques heures plus tôt.
L'attaque avait été fulgurante. La force de frappe de l'Ouragan avait décimé le haut du building sur lequel il vint se poser dans les décombres encore fumantes. Armé jusqu'au dent, Raynes enfila son fidèle casque, empoigna son canon et se rua dehors avant que les défenses ne se remettent de ce tour de force.
Il se jeta à coeur perdu dans la mêlée.

Quelques minutes plus tôt.
L'impact manqua de le faire tomber. Son armure était noircie à de multiples endroits, traces d'impacts plus ou moins profonds. L'injection se poursuivait irradiant dans tout son corps, lui redonnant les forces qui commençaient à lui manquer cruellement. Il fallait qu'il tienne, absolument, il n'avait pas fait tout ça pour rien! Il alluma une ultime fois son champ de force alors que la cellule énergétique n'avait pas encore vraiment eu le temps de se recharger. Plaqué contre lui, allongé sur le brancard, le petit corps frêle se tenait, encore endormi. Le brancard lévitait, attaché à la ceinture de Raynes. Il couva le jeune garçon du regard puis déterminé, surgit le canon en avant, crachant ses salves meurtrières, fumant comme le feu de l'enfer.
Sur le toit, le salut. Il marchait à reculon, vidant ses réserves d'énergie dans un tir nourri, poussant ses armes dans leurs ultimes réserves. Les assaillants étaient innombrables mais la rumeur s'était répandue rapidement, un fou furieux armé jusqu'aux dents avait déjà abattu plusieurs dizaines des leurs. Leur tour viendrait bientôt...
Raynes prit sa ceinture, la détacha pour la lancer au milieu des décombres au moment où il posait le pied sur la passerelle menant à l'Ouragan. La grappe de détonateurs thermiques voltigea silencieusement dans les airs sous les yeux horrifiés des gardes. Le calme avant la tempête... L'ouragan décolla alors que le souffle décapitait un peu plus le bâtiment, bousculait le vaisseau dans un tumulte infernal.
La poursuite commença à peine quelques minutes plus tard. Les premiers tirs attinrent l'Ouragan immédiatement. Il en avait vu d'autres, mais il vivait ses dernières minutes sous les yeux affolés du droïde qui s'afférait à accueillir le jeune humain.

Tenant fermement les commandes, le Major donna ses ultimes ordres. L'objectif était en vue, bientôt, il serait libre, il aurait réussi...

Dans un ultime hurlement de métal et de plastique déchiqueté, le vaisseau se disloqua. Les flammes bleutées se répandirent sur quelques centaines de mètre, les débris volant dans tous les sens avant de venir s'écraser sur les ruines environnantes.

- Objectif abbatu Général. Nous avons eu le traître!
- Assurez vous qu'il n'y ait aucun survivant.
- Le vaisseau a explosé, aucun survivant possible.
- Bien, vous pouvez rentrer capitaine...

Les restes de l'explosion se reflètaient encore sur la visière de son casque au moment où il vira dans un vrombissement caractéristique des vaisseaux de la république...